Édito d’Élisa Vix

Libres colères

Bien sûr, nous savions que nous n’étions pas égaux.

Certains s’en accommodaient, d’autres non. Mais au moins, nous étions libres.

Certes, on scrutait nos data, celles que nous dispensions sur la toile ; nous n’avions rien à cacher.

C’est vrai, ils avaient gazé les gilets jaunes, utilisé des armes de guerre contre des jeunes filles, des pères de famille ; nous nous tenions loin des lacrymos.

Et puis, un virus est arrivé. Il était assez méchant. Les chaines d’info ont distillé en continu la peur et la culpabilité dans nos veines. Il fallait renoncer à circuler librement. C’était pour notre bien. C’était pour sauver des vies. Nous étions d’accord, même si nous nous demandions parfois s’il n’y avait pas d’autres moyens de combattre une épidémie.

Ça a duré. L’impensable s’est produit. Le couvre-feu. Les lieux de joie, de rire, de culture et d’apprentissage interdits pendant des mois. On a envoyé les CRS déloger les familles qui piqueniquaient. Matraquer la jeunesse qui dansait. Verbaliser les libraires pour quelques centimètres d’étals en trop.

A ceux qui protestaient #dictaturesanitaire, on a conseillé d’aller faire un tour en Chine ou en Iran, histoire d’apprendre ce que c’était vraiment, un état totalitaire…

Une vieille dame rouillée qui vient de New-York erre comme une SDF sur les routes de France, dans les rues de Paris ou d’Arras.

Cabossée, trouée, la couronne de travers, elle pleure.

Elle ne reconnaît rien. Fatiguée, elle s’assoit.

Les plis de sa robe vert-de-gris sont tous chiffonnés.

Elle attend.

Que des femmes et des hommes en colère brandissent son flambeau.